Pointu à Cassis

Pointu à Cassis
Pointu à Cassis (photo Toti)


« C'est ici un blog de bonne foi, lecteur.
Il t’avertit dès l’entrée que je ne m’y suis proposé aucune autre fin que culinaire et privée.
Je n’y ai aucune préoccupation de ton service ni de ma gloire.
Je l’ai consacré à la commodité particulière et gastronomique de mes parents et amis.
Ainsi, lecteur, je suis moi-même la matière culinaire de mon blog :
il n’est pas raisonnable que tu emploies ton loisir en un sujet si frivole et si vain ».


vendredi 16 janvier 2015

Merci, camarade...




« Merci, camarade ! » - Hommage à Charb -

"You were given the choice between war and dishonor. 
You chose dishonor and you will have war."
Churchill

C’est la guerre sainte, bande d’idiots !
Brochettes et bière. A l’ombre de la vieille muraille de Melilla, mon interlocuteur – trente années d’amitié complice – s’enfonce dans sa chaise et sourit, amer. « Ils ne se rendent pas compte ces idiots – dit-il-. C’est une guerre, nous sommes en plein dedans. C’est la troisième guerre mondiale, et ils ne se rendent pas compte ». Mon ami sait de quoi il parle, car ça fait longtemps qu’il est un soldat dans cette guerre. Soldat anonyme, sans uniforme. De ceux qui ont dû souvent dormir avec un pistolet sous l’oreiller. « C’est une guerre – insiste-t-il en trempant sa moustache dans la mousse de sa bière -.Et nous sommes en train de la perdre par notre stupidité. En souriant à l’ennemi ».
Pendant que je l’écoute, je pense à l’ennemi. Et je n’ai pas besoin de forcer mon imagination, parce que pendant une partie de ma vie, j’ai habité ce territoire.  Habitudes, méthodes, manière d’exercer la violence. Tout m’est familier. Tout se répète comme se répète l’Histoire, depuis le temps des Turcs, Constantinople et les Croisades. Y compris depuis les Thermopyles. Comme elle s’est répétée dans cet Iran, où les imprudents de là-bas et les imbéciles d’ici applaudissaient la chute du Shah et l’arrivée du libérateur Khomeiny et ses ayatollahs. Comme elle s’est répétée dans un empressement sans discernement avant les différents printemps arabes, qui, au final –surprise pour les idiots professionnels – eurent pour résultat d’être les préludes de très noirs hivers. Hivers qui sont à attendre, par ailleurs, quand les mots liberté et démocratie, concepts occidentaux que notre ignorance nous fait croire exportables au froid, pour le meilleur, confiants en la bonté du cœur humain, finissent par être gérés par des curés, des imams, des prêtres comme nous aimons les appeler, fanatiques avec ou sans turbans, qui tôt ou tard font de nouveau la vérité, au milieu de leurs paroissiens aussi fanatiques, ce qu’écrivait le baron d’Holbach au XVIIIème siècle : « Quand les hommes ne croient avoir à craindre que leur dieu, ils ne s’arrêtent communément sur rien ».
Parce que c’est le Jihad, idiots. C’est la guerre sainte. Il le sait mon ami à Melilla, je le sais, moi, de ma petite part d’expérience personnelle, il le sait lui qui a été là. Il le sait celui qui a lu l’Histoire, ou bien capable de faire face aux journaux et à la télévision avec lucidité. Il le sait celui qui cherche sur internet les milliers de vidéos et d’images d’exécutions, de têtes coupées, de gamins souriants montrant les décapitations  par leurs pères, de femmes et d’enfants violés pour infidélité à l’islam, lapidés pour adultère – comment se taisent sur cela les ultraféministes, si sensibles à d’autres bêtises -, des criminels coupant les cous de leur vivant pendant qu’ils crient « Allah Akbar » et que des douzaines de spectateurs l’enregistrent sur leur putain de téléphone mobile. Il le sait celui qui lit les pancartes qu’un enfant musulman – pas en Irak, mais en Australie – exhibe avec le texte «  Egorgé celui qui insulte le Prophète ». Il le sait celui qui voit la pancarte exhibée par un jeune étudiant musulman – pas à Damas, mais à Londres –  qui prévient : « nous utiliserons votre démocratie pour détruire votre démocratie ».
En Occident, en Europe, le prix des siècles de souffrance atteint la liberté dont il jouit aujourd’hui. Pouvoir être adultère sans qu’ils te lapident, ou blasphémer sans qu’ils te brûlent ou t’accrochent à une grue. Porter des jupes courtes sans qu’ils te traitent de pute. Nous jouissons des avantages de cette lutte, gagnée après de nombreux combats contre notre propre fanatisme,  au cours desquels trop de bonnes personnes ont perdu leur vie : Combats que l’Occident livra quand il était jeune  et avait encore la foi. Mais maintenant, les jeunes sont autres : le petit garçon de la pancarte, le coupeur de tête, le fanatique prêt à emporter par-devant lui trente infidèles et aller au Paradis. En termes historiques, ils sont les nouveaux barbares. L’Europe, où est née la liberté, est vieille, démagogue et lâche ; pendant que l’islam radical est jeune, courageux, il a faim, il est au désespoir, et a les couilles, eux et elles, bien placées. Donner une mauvaise image sur Youtube, ils s’en foutent : Au contraire, c’est une autre arme dans leur guerre. Ils travaillent avec leur dieu dans une main et la terreur dans l’autre, pour leur propre clientèle. Pour un Islam qui pourrait être pacifique et libéral qui souvent le désire mais qui ne peut jamais l’obtenir tout à fait, pris dans ses propres contradictions socio théologiques. Croire que cela se résout en négociant ou en regardant ailleurs, c’est beaucoup plus qu’une immense connerie. C’est un suicide.
Regardez internet et dites-moi avec quels diables nous allons négocier. Et avec qui. C’est une guerre, et il n’y a pas d’autre choix que l’affronter. L’assumer sans complexes. Parce que le front du combat n’est pas seulement là-bas, de l’autre côté du téléviseur, mais aussi ici. Au cœur même de Rome. Parce que – je crois que je l’ai écrit il y a longtemps, bien que de manière différente, il est contradictoire, dangereux, voire impossible de profiter des avantages d’être romain et en même temps féliciter les barbares.

Arturo Perez-Reverte

1 commentaire:

elza jazz a dit…


Cher Toti, je ne sais pas si tu
liras ce commentaire. Je veux te
remercier d'avoir mis l'hommage
pour la mort de CHARB . Je ne l'avais pas entendu. Formidable. Oui,merci encore . Amitiés à toi.
ELZA