« Merci, camarade ! » - Hommage à Charb -
"You were given the choice between war and dishonor.
You chose dishonor and you will have war."
Churchill
"You were given the choice between war and dishonor.
You chose dishonor and you will have war."
Churchill
C’est
la guerre sainte, bande d’idiots !
Brochettes
et bière. A l’ombre de la vieille muraille de Melilla, mon interlocuteur –
trente années d’amitié complice – s’enfonce dans sa chaise et sourit, amer.
« Ils ne se rendent pas compte ces idiots – dit-il-. C’est une guerre,
nous sommes en plein dedans. C’est la troisième guerre mondiale, et ils ne se
rendent pas compte ». Mon ami sait de quoi il parle, car ça fait longtemps
qu’il est un soldat dans cette guerre. Soldat anonyme, sans uniforme. De ceux
qui ont dû souvent dormir avec un pistolet sous l’oreiller. « C’est une
guerre – insiste-t-il en trempant sa moustache dans la mousse de sa bière -.Et
nous sommes en train de la perdre par notre stupidité. En souriant à
l’ennemi ».
Pendant
que je l’écoute, je pense à l’ennemi. Et je n’ai pas besoin de forcer mon imagination,
parce que pendant une partie de ma vie, j’ai habité ce territoire.
Habitudes, méthodes, manière d’exercer la violence. Tout m’est familier.
Tout se répète comme se répète l’Histoire, depuis le temps des Turcs,
Constantinople et les Croisades. Y compris depuis les Thermopyles. Comme elle
s’est répétée dans cet Iran, où les imprudents de là-bas et les imbéciles d’ici
applaudissaient la chute du Shah et l’arrivée du libérateur Khomeiny et ses
ayatollahs. Comme elle s’est répétée dans un empressement sans discernement
avant les différents printemps arabes, qui, au final –surprise pour les idiots
professionnels – eurent pour résultat d’être les préludes de très noirs hivers.
Hivers qui sont à attendre, par ailleurs, quand les mots liberté et démocratie,
concepts occidentaux que notre ignorance nous fait croire exportables au froid,
pour le meilleur, confiants en la bonté du cœur humain, finissent par être
gérés par des curés, des imams, des prêtres comme nous aimons les appeler,
fanatiques avec ou sans turbans, qui tôt ou tard font de nouveau la vérité, au
milieu de leurs paroissiens aussi fanatiques, ce qu’écrivait le baron d’Holbach
au XVIIIème siècle : « Quand les hommes ne croient avoir à craindre
que leur dieu, ils ne s’arrêtent communément sur rien ».
Parce
que c’est le Jihad, idiots. C’est la guerre sainte. Il le sait mon ami à
Melilla, je le sais, moi, de ma petite part d’expérience personnelle, il le
sait lui qui a été là. Il le sait celui qui a lu l’Histoire, ou bien capable de
faire face aux journaux et à la télévision avec lucidité. Il le sait celui qui
cherche sur internet les milliers de vidéos et d’images d’exécutions, de têtes
coupées, de gamins souriants montrant les décapitations par leurs pères,
de femmes et d’enfants violés pour infidélité à l’islam, lapidés pour adultère
– comment se taisent sur cela les ultraféministes, si sensibles à d’autres
bêtises -, des criminels coupant les cous de leur vivant pendant qu’ils crient
« Allah Akbar » et que des douzaines de spectateurs l’enregistrent
sur leur putain de téléphone mobile. Il le sait celui qui lit les pancartes
qu’un enfant musulman – pas en Irak, mais en Australie – exhibe avec le texte
« Egorgé celui qui insulte le Prophète ». Il le sait celui qui voit
la pancarte exhibée par un jeune étudiant musulman – pas à Damas, mais à
Londres – qui prévient : « nous utiliserons votre démocratie
pour détruire votre démocratie ».
En
Occident, en Europe, le prix des siècles de souffrance atteint la liberté dont
il jouit aujourd’hui. Pouvoir être adultère sans qu’ils te lapident, ou
blasphémer sans qu’ils te brûlent ou t’accrochent à une grue. Porter des jupes
courtes sans qu’ils te traitent de pute. Nous jouissons des avantages de cette
lutte, gagnée après de nombreux combats contre notre propre fanatisme, au
cours desquels trop de bonnes personnes ont perdu leur vie : Combats que
l’Occident livra quand il était jeune et avait encore la foi. Mais
maintenant, les jeunes sont autres : le petit garçon de la pancarte, le
coupeur de tête, le fanatique prêt à emporter par-devant lui trente infidèles
et aller au Paradis. En termes historiques, ils sont les nouveaux
barbares. L’Europe, où est née la liberté, est vieille, démagogue et
lâche ; pendant que l’islam radical est jeune, courageux, il a faim, il est
au désespoir, et a les couilles, eux et elles, bien placées. Donner une
mauvaise image sur Youtube, ils s’en foutent : Au contraire, c’est une autre
arme dans leur guerre. Ils travaillent avec leur dieu dans une main et la
terreur dans l’autre, pour leur propre clientèle. Pour un Islam qui pourrait
être pacifique et libéral qui souvent le désire mais qui ne peut jamais
l’obtenir tout à fait, pris dans ses propres contradictions socio théologiques.
Croire que cela se résout en négociant ou en regardant ailleurs, c’est beaucoup
plus qu’une immense connerie. C’est un suicide.
Regardez
internet et dites-moi avec quels diables nous allons négocier. Et avec qui.
C’est une guerre, et il n’y a pas d’autre choix que l’affronter. L’assumer sans
complexes. Parce que le front du combat n’est pas seulement là-bas, de l’autre
côté du téléviseur, mais aussi ici. Au cœur même de Rome. Parce que – je crois
que je l’ai écrit il y a longtemps, bien que de manière différente, il est
contradictoire, dangereux, voire impossible de profiter des avantages d’être
romain et en même temps féliciter les barbares.
Arturo Perez-Reverte
1 commentaire:
Cher Toti, je ne sais pas si tu
liras ce commentaire. Je veux te
remercier d'avoir mis l'hommage
pour la mort de CHARB . Je ne l'avais pas entendu. Formidable. Oui,merci encore . Amitiés à toi.
ELZA
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